Lire est une affaire de confiance

Lire, choisir un livre pour le lire, c'est d'abord une affaire de confiance. Confiance dans l'auteur, bien sûr, surtout si on le connaît déjà. Mais confiance aussi dans telle personne proche qui me le recommande, ou plus largement dans la foule des lecteurs plus anciens qui, par leur nombre, ont fait la réputation de cet auteur et de ce titre parmi les autres.

Je ne lis pas sans faire confiance aux autres. Sans ajouter foi à leur avis, sans vouloir le comprendre et le partager.

Lire les classiques, c'est ainsi entrer dans de vastes communautés de lecteurs, dont certains sont morts depuis longtemps déjà mais qui, ensemble, ont porté ces livres jusqu'à nous. Ou quelquefois un seul poème, une seule chanson.

C'est penser et c'est dire : "Quant à moi, je ne suis certain de rien aujourd'hui. Je ne sais plus que penser ni que croire. Et je suis fatigué d'essayer de le faire. Je suis fatigué d'essayer de "penser par moi-même" comme les journalistes m'enjoignent de le faire, comme si cela avait un sens. Fatigué de devoir "exercer mon esprit critique", comme les journalistes et les professeurs m'enjoignent de le faire, comme si j'étais en devoir de me faire une opinion personnelle sur toutes les questions qui agitent le monde. Mais, à tout le moins, je peux essayer de comprendre ce que d'autres ont ressenti et pensé avant moi. Ce que d'autres ont cru, ce dont ils ont voulu témoigner, qui n'était peut-être pas dépourvu de sens, et que peut-être je pourrai partager."

Lire est toujours une aventure collective, même quand je lis seul, sur mon smartphone. Dans une société férocement individualiste, où tout ce qui compte est ce en quoi vous seriez différent des autres, prétendument merveilleusement "uniques", lire reste une célébration de la langue que nous avons en commun, des sentiments et des idées qui nous habitent.

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