Arrière-plan
L’utilisation des Moulins à paroles (M@P) est simple. Il est possible de se former à leur pratique et de la mettre en œuvre de manière efficace sans se préoccuper de l’arrière-plan théorique. Celui-ci pourtant diffère de la conception de la langue couramment admise, qui fait de la parole une fonction naturelle et de l'écriture une technique de codage. Et peut-être, pour mesurer l’apport des M@P aussi bien que pour comprendre les résistances auxquelles leur diffusion se heurte, n’est-il pas indifférent de s’y intéresser.
Le système de propositions que je présente ici est en cours d’élaboration. Chaque mise à jour est datée.
C.J.
Mise à jour du 19 décembre 2019
Le système de propositions que je présente ici est en cours d’élaboration. Chaque mise à jour est datée.
C.J.
Mise à jour du 19 décembre 2019
- La langue est un bien commun.
- Elle n’est pas inscrite dans notre cerveau. Elle ne fait pas partie de notre patrimoine génétique. Si elle en faisait partie, tous les humains parleraient la même.
- Personne ne l’a inventée.
- On l’apprend.
- Une langue est composée de textes dans lesquels la grammaire (avec ses règles) et le lexique (avec ses mots) ne se séparent pas.
- Un texte est un énoncé qu'on répète dans sa forme. L'écriture peut y aider. Mais un énoncé peut s'élaborer et se répéter dans sa forme sans être écrit.
- L'écriture doit être regardée comme un support de mémoire. Pas comme un substitut.
- Les constituants ultimes d’une langue (phonèmes) se distinguent mais ne se séparent pas. Ils existent dans leurs oppositions (ON / AN). On peut les abstraire mais pas les extraire.
- Lire, pour un débutant, consiste à rapporter une forme écrite qu’il rencontre à une forme orale qu’il connaît. En français à tout le moins, il ne peut donc pas lire de mots qu’il ne connaît pas.
- Il ne suffit pas d’avoir entendu un mot pour le connaître. Il faut encore associer le signifiant sonore à un signifié.
- La principale difficulté du français tient aux irrégularités qu’il montre entre les formes orales et les formes écrites des mêmes mots.
- La personne qui apprend à lire a affaire d’abord à des lettres (et non pas à des graphèmes ou phonogrammes) dont le nombre ne correspond pas à celui des phonèmes.
- Les phonogrammes peuvent être distingués à l’intérieur du mot-forme qui les contient, quand celui-ci est lui-même identifié (lu et compris). Pour autant, ils ne peuvent pas en être extraits.
- Traditionnellement, dans toutes les civilisations, on apprend à lire dans des textes qu'on sait déjà par cœur (ou presque). C'est, en effet, plus facile. Et la difficulté que nous rencontrons, aujourd'hui à enseigner la lecture-écriture tient principalement au refus de ce principe.
- Lire et écrire ne se séparent pas des autres compétences linguistiques (comprendre, parler).
- On étudie la langue dans la réalité des textes.
- La connaissance d’une forme écrite enrichit la perception que le sujet peut avoir de la forme orale correspondante. Elle lui permet de passer de la conscience syllabique à la conscience phonémique. (Une personne illettrée peut compter les syllabes d'une forme, elle ne peut pas en dénombrer les phonèmes.)
- On apprend la langue à la fois à l'oral et à l'écrit (les deux apprentissages se renforcent l'un l'autre).
- À chaque moment de l'histoire, pour chaque groupe de locuteurs, les constituants d’une langue forment un sous-ensemble flou.
- À chaque moment de l’histoire, certains constituants de la langue (unités lexicales, formes grammaticales) n’apparaissent plus ou, au contraire, n’apparaissent déjà que dans un petit nombre de textes.
- L’intelligence qui permet la compréhension et la production d’énoncés ne se sépare pas de la mémoire (des mots, des textes).
- La lecture implique la mémorisation, et du même coup l’atteste.
- La mémorisation implique la compréhension, et du même coup l’atteste.
- Il n'est pas de lecture, du français au moins, fût-ce ce qu'on appelle un "simple déchiffrage", qui n'implique la compréhension et du même coup l’atteste.
- Quand on lit un texte, il est important de bien distinguer ce que celui-ci nous dit et ce que nous pouvons savoir, par ailleurs, de l’auteur ou de la situation évoquée.
- Les lecteurs d’un même texte constituent une communauté.
- Lire est un jeu de (bonne) société.
- Un texte classique est celui qui réunit la communauté de lecteurs la plus vaste.
- La première fois qu’on lit un texte classique, c’est parce qu’il est classique. Parce que beaucoup d’autres l’ont lu avant nous.
- La première lecture qu’on fait d’un texte classique consiste à essayer de reconnaître ce qui lui vaut d’être classique. On le lit avec les yeux des autres.
- On ne fait pas la même lecture d’un texte à tous les âges de sa vie.
- Un texte est un vestige du moment de l’histoire où il a été produit. Il en témoigne.
- Un texte est un vestige de la vie de son auteur. Il en témoigne.
- Un lecteur peut reprendre à son propre compte un texte dont il n'est pas l'auteur.
- On ne parle jamais qu’avec les mots des autres.
- Pour enseigner une langue, on a besoin de la décrire, ce qui suppose de la formaliser et la normaliser. La grammatisation d’une langue va ainsi de pair avec son enseignement.
- Un poème est fait pour être redit dans sa forme.
- Un poème, en tant qu’il est fait pour être redit, est fait aussi pour enseigner et pour apprendre.
- La poésie orale normalise la prononciation des mots et leurs usages. Elle marque ainsi une première étape dans le processus de grammatisation d’une langue.
- Un poème est mémoire à la fois de ce qu’il contient (de ce qu’il nous dit d’un état du monde) et de sa forme (d’un état de la langue).
- Jusqu’à une période récente, poésie, mémoire, grammatisation et école ont eu partie liée.
- Les Moulins à paroles (M@P) renouent leur alliance.
- Une activité d'apprentissage est profitable quand, pour l'élève, les objectifs à atteindre sont clairs et que la réussite lui semble à sa portée.
- Les erreurs sont profitables quand l'élève peut les dénombrer de mémoire et en sourire. Sinon, l'activité d'apprentissage a été mal choisie ou mal conduite.
- La lecture-écriture ne se réduit pas à une technique. C'est un savoir qui s'acquiert au fil des ans, depuis la naissance, fondé d'un côté sur les usages oraux, de l'autre sur la connaissance des textes classiques.
- La pratique des Moulins à paroles (M@P) est une discipline (ou une ascèse).
- Le plus souvent, quand on parle de démarches "classiques" ou "traditionnelles" à propos de l'école, on fait référence à une époque industrielle qui, dans l’histoire occidentale, a rompu avec toutes les traditions.
- Notre système éducatif reste régi par une logique industrielle. Il considère que les mêmes procédés de fabrication (ou de transformation) peuvent s’appliquer partout.
- Nous en sommes à devoir inventer un avenir qui renoue avec les traditions.
- On commet une erreur en entraînant séparément les compétences linguistiques des enfants (grammaire, vocabulaire, orthographe, conjugaison, etc...) comme on sépare les différents métiers de l’industrie automobile.
- Avec les M@P, on ne travaille pas des compétences linguistiques séparées, on travaille des textes.
- Avec les M@P, on s'ouvre aux 5 dimensions de l'expérience de lecture, parmi lesquelles on distingue 4 dimensions immanentes: ce que le texte donne (i) à entendre, (ii) à voir, (iii) à imaginer, (iv) à comprendre, et 1 dimension transcendante (v) qui concerne la façon dont le texte fait écho en chacun d'entre nous.
- Le travail avec les M@P réclame de l'attention. Il demande aux élèves de rester assis, ou peut-être debout, et de parler dans le calme. Les savoirs et compétences ne viennent qu'après.
- Les M@P sont à l'enseignement de la langue ce que le bio est à l'agro-alimentaire. Ici, un ré-enracinement dans les terres. Là, un ré-enracinement dans les textes.
- Verlaine ouvre avec : "Ton âme est un paysage choisi...", puis il pénètre dans ce paysage pour évoquer ce qui le compose. Apprendre un poème consiste à passer du rapport frontal et lointain d’une première lecture (je lis du bout des yeux) à une forme d’immersion.
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