Préférons nos élèves !
On enseigne de son mieux par souci de ses élèves, par respect pour leurs parents, riches ou pauvres, par goût des disciplines qu'on enseigne, pour faire honneur à son école, voire à sa ville. Et, en cela, il est probable qu'on contribue à construire un monde meilleur, une société plus juste. Du moins pouvons-nous l'espérer, mais il ne faut pas le dire, il ne faut pas même y songer. Car personne d'entre nous n'est certain de savoir ce que serait une société plus juste, ni de savoir de quelle manière, dans quelle mesure il peut contribuer à la construire, si cela lui est permis. D'autres ont cru le savoir et, chaque fois, l'affaire a mal tourné. Le but lointain n'ajoute aucune profondeur à celui que nous poursuivons au jour le jour, de manière patiente et humble, de rendre nos élèves un peu plus heureux d'apprendre, de les faire entrer à leur tour dans le grand partage des savoirs qui est, à lui seul, une fraternité. On sait que, pendant l'Occupation, René Char combattit les armes à la mains. Il fit ce qu'il fallait. Puis, en 1950, il publie un poème qu'il intitule Qu'il vive et qui s'ouvre par cette phrase: "Dans mon pays, les tendres preuves du printemps et les oiseaux mal habillés sont préférés aux buts lointains."
Commentaires
Il est par ailleurs vrai que le savoir n'est pas une fin en soi ; et que la connaissance peut mener au pire...
Mais le justice comme but suprême d'une harmonie sociale (pour peu qu'on le place ainsi) me semble devoir nécessairement passer par une diffusion soutenue et heureuse du savoir. Je partage ton insistance quant au plaisir d'apprendre, et il me semble que les m@p y répondent parfaitement (et parle d'expérience).