Des voix dans la nuit
Nous habitons un quartier dont l’environnement sonore est presque aussi paisible à présent que celui des campagnes. Il suffirait désormais d’un banc, devant la grille fermée d’un jardin, pour nous asseoir près d'un ami et bavarder au bon soleil. L’été, même, nous pourrions poursuivre cette conversation à voix basse, jusque tard dans la nuit, comme dans un roman d’André Dhôtel. Derrière les volets tirés, les voisins qui ont du mal à trouver le sommeil ne manquent pas de nous entendre. Nos paroles rares, mesurées ont une qualité sonore étonnement mate, qui aiguise leur curiosité. Ils sont intrigués par le nombre d’insectes et d’oiseaux que Timard est capable d’identifier d’un seul coup d’œil, ou juste au bruit des élytres ou des ailes, encore qu’il exerce la profession de cordonnier et non pas celle de professeur de sciences naturelles au collège voisin. Ils finissent par comprendre que nous parlons de deux jeunes filles (Solange et Émilie) dont nous tardons à admettre que nous sommes amoureux, mais qui refusent de répondre à nos invitations d’aller marcher ensemble, le dimanche, sous les arbres du cours et qui, même, ont disparu du quartier depuis plusieurs jours, sans doute pour se rendre au cœur d’une grande forêt où le père de l’une d’elles (mais laquelle ?) semble s’être établi après plusieurs années de voyages à l’autre bout du monde. Un aventurier, peut-être même un bandit. Que nous imaginons avec une jambe paralysée. Auquel il manquerait un œil. Mais je vais trop vite. La crise sanitaire n’a pas permis encore le retour d’un grand nombre d’oiseaux ni d’insectes. Il nous faut patienter. Tout ne se fait pas en un jour dans les romans d’André Dhôtel. Le printemps dont nous guettons les signes pourrait bien nous offrir, en plus d’eux, la présence voisine d’un cheval ou d’une chèvre.
Commentaires