Meurtre à Saorge (1/10)

L’assassinat d’Adrienne Lombard eut lieu à la fin du mois d’octobre. Le corps fut découvert un matin par Madeleine Orengo qui s’occupait de son ménage et de sa cuisine. Celle-ci appela en catastrophe Anatole Lombard, antiquaire à Monaco et le fils de la victime. Elle voyait bien que la vieille dame était morte et que son visage était tuméfié. On l’avait frappée. Anatole Lombard ne douta pas de sa parole. Il lui demanda de ne toucher à rien, de ressortir de la maison et d’attendre sur un banc, dans le jardin, l’arrivée de la police qu’il se chargeait d’avertir, ce qu’il fit en effet, et aussitôt après il se mit en route pour Saorge.
À son arrivée, la police était déjà sur place, on ne le laissa pas entrer. Ce ne fut que plus tard, après que le corps fût enlevé et que l’équipe de la police scientifique eût fait ses relevés. Le commissaire François Charpiot, venu de Sospel, vint le chercher dans le jardin. Il lui demanda d’enfiler des protections blanches par-dessus ses chaussures, et de bien vouloir le suivre à l’intérieur. « Sans toucher à rien, pouvez-vous observer ce qui nous entoure et me dire si vous vous souvenez de quelque chose qui était là, d’ordinaire, dans cette pièce ou dans une autre, et qui aurait disparu ? Prenez votre temps. »
Le cadavre avait été découvert dans le salon. Le contour de son corps dessiné à la craie restait visible sur le sol. Comme la trace d’un fantôme. Anatole Lombard n’eut pas à beaucoup chercher. Il n’eut pas besoin de quitter la pièce. Il désigna un coffret posé sur le dessus de la cheminée, et demanda qu’on l’ouvre. Avec ses mains gantées de blanc, le commissaire l’ouvrit et le trouva vide.
« Il y avait là, déclara Lombard d’une voix blanche, quelques bijoux et de l’argent liquide. C’est moi qui réglais toutes les factures de ma mère, mais celle-ci était rassurée de savoir qu’elle pouvait payer dans l’urgence une ambulance ou un taxi.
— J’imagine que la somme n’était pas bien importante, suggéra le commissaire.
— Tout de même. Quelques centaines d’euros.
— Et les bijoux ?
— Oui, certains avaient de la valeur. J’en ai la liste à mon bureau. Je pourrai vous en fournir une copie, avec les estimations. »
Le vol paraissait le mobile, et il ne restait plus qu’à trouver le voleur. D’autres observations devaient restreindre encore le champ des recherches. La porte de la victime n’avait pas été forcée. Son visiteur avait sonné chez elle, la veille au soir, entre vingt heures et vingt trois heures, après qu’elle eût dîné. Elle lui avait ouvert en toute confiance, avant de l’introduire dans son salon, et là, il l’avait abattue d’un coup de poing en plein visage. Aucune trace de lutte, aucun désordre. Il fallait donc qu’elle le connaisse.
La maison de Mme Lombard était flanquée d’un beau jardin depuis lequel on avait une vue vertigineuse sur la vallée de la Roya. Et, pour s’occuper de ce jardin, il fallait un jardinier. Celui-ci était tunisien et habitait Sospel. Il ne tarda pas à être interrogé. Il fut mis en garde à vue, et bientôt relâché. Il avait un alibi solide, une partie de loto dans un café où tout le monde le connaissait. Et, pendant le mois qui suivit, on ne parla plus de l’affaire.



Photo Patrick Rouzet, 2008


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